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merry.go.round (France)
TV Lumière interview 24/9/2004 - http://merrygoround.free.fr
Lumière blanche.
Sur leur premier album, les italiens de Tv Lumiere
conjuguent habilement l'électricité rèche d' Ulan Bator et les ballades
malsaines du Velvet Underground. Brillant et pourtant honteusement sans
label.
[ interview : Gaylor Olivier / photo : droits réservés ]
Ferruccio Persichini :
Au départ, nous étions, mon frère et moi, avec un bassiste pas très motivé
qui nous a lâché quand les choses sont devenues plus sérieuses, et un
batteur très "catholique" avec de sérieuses influences cléricales. Mon frère
et moi jouons exclusivement ensemble et cela depuis toujours. Nous avons
grandis en écoutant la même musique, les mêmes groupes (Swans, Joy Division,
Nick Cave, Lydia Lunch, Einsturzende Neubauten, Velvet Underground, Sonic
Youth...). Il est alors inévitable qu'inconsciemment ces influences communes
ressortent sur notre album. L'apport musical de notre bassiste et de notre
batteur est devenu plus important au fil du temps alors qu'autrefois, les
morceaux étaient le fruit de mes idées ou bien de celles de Federico (mon
frère). Aujourd'hui, nos chansons voient le jour, dans 90% des cas, suite à
de longues et "totales" improvisations. Partant de zéro, nous nous
retrouvons après quelques minutes à faire un "riff"ou bien un son qui nous
émotionne particulièrement. Nous insistons alors sur ce "loop", sur cette
boucle sonore, pendant une dizaine de minutes... et... le morceau est dans
le sac! Nous enregistrons parfois ces improvisations, si nous les avions
toutes enregistrées depuis nos débuts, je crois que nous aurions pu sortir
non pas un, mais sûrement une dizaine de disques! Avec le temps, nous avons
compris mutuellement ce qui pouvait passer par la tête de l'un et de l'autre,
et je crois que nous avons fini par trouver notre propre "sound".
Nous avons une idée bien précise de notre musique, la plupart du temps cela
veut dire devoir ressembler forcement à une chose déjà existante et bien
précise. Dans notre cas en revanche, sans nier notre amour pour tant d'autres
groupes, nous cherchons à mettre ensemble toutes ces influences et à sortir
de tout cela quelque chose de nouveau, de personnel. Sans calculer, nous
improvisons afin que notre personnalité en tant que groupe s'extériorise,
nous ne sommes sûrement pas les seuls dans ce cas mais je crois bien
appartenir à cette catégorie là.
Vous avez les mêmes idées ou elles diffèrent ?
Il est clair que nos idées ne coïncident pas toujours. Nous nous disputons souvent pour cette raison, puis nous trouvons un compromis. Il y a des périodes où je voudrais composer des choses violentes alors que mon frère est attiré par des atmosphères musicales plus douces ou des sonorités new-wave et moi par des ambiances plus "lymphatiques". En réalité, je pense plus au coté "drogué" de la musique alors que Federico est attiré par celui "sentimental". Il suffit de comparer ses textes avec ceux que j'écris pour mieux comprendre cette différence.
Est-ce pour cette raison que l’album alterne passages répétitifs (ou les guitares sont en avant) et ballades mélodiques ?
C'est vrai, nous alternons des morceaux violents ou
bien encore paranoïaques avec de douces balades plutôt pop mais toujours
avec les mêmes ingrédients. Dans certains cas la violence l'emporte sur la
douceur et vice versa. Je souhaite seulement que le résultat final laisse
induire qu'il s'agit bien du même groupe.
Justement je pense qu il y a un coté assez pop dans
votre musique, centré sur les mélodies.
Je crois que tout dépend de nos influences, plus ou moins inconsciemment, de tout ce que nous avons écouté jusqu'à présent. Dans nos improvisations, il ressort ce que nous éprouvons sur le moment, nos états d'âmes. Nous mettons alors tout cela en musique (inutile de le nier) à travers tout ce que nous avons écouté durant toutes ces années. Notre style n'est rien d'autre que nos influences réunies, personnalisées et digérées.
Le nom Tv Lumière est-il une référence aux frères Lumière ? Y-t-il une signification spécifique dans ce nom ?
Imagine un nom qui te plaise pour des raisons multiples et , petit à petit, tu y trouves chaque jour des éléments, des signes, des choses qui vont te convaincre de l'utiliser pour ton groupe. Pour nous, ça c'est passé comme cela. Je ne suis pas expert en cinéma. Je pense que mon frère l'est un peu plus... Je ne sais pas grand chose sur la production des Frères Lumière non plus. Nous voulions créer un effet visuel à l'écoute de notre musique. Nous n'avons jamais projeté de films lors de nos concerts. Nous avons une attitude statique sur scène, c'est comme si nous voulions arrêter le temps pour toute la durée de notre performance. A l'époque, j'ai été attiré par le mot "lumière" car , étant fan d'Ulan Bator, je suis resté impressionné par Lumière Blanche, morceau de Végétale. Ensuite le nom "frère Lumière" nous a effectivement inspiré. La télévision et la lumière étaient deux de mes "amies" d'enfance mais en grandissant, j'ai commencé à les détester sous toutes leur formes. Aujourd’hui, ce sont pour moi les deux choses les plus insupportables qui existent sur cette planète, sans oublier les personnes désagréables bien entendu.
Êtes-vous influencés par des films ?
Absolument. Les films chinois, japonais ou bien encore les films d'Europe de l'Est influencent beaucoup notre musique, surtout les films de guerre, scénarios "glaçants" et décadents. Je crois que parfois même dans nos textes on peut trouver une forte influence cinématographique ajoutée à celle de nos propres rêves. Sans oublier la littérature française du XIXème siècle que l'on retrouve assez souvent dans les textes de Federico (I Gatti).
Vos textes sont en italien. Beaucoup de groupes faisant le même genre de musique que vous écrivent en anglais. C’est important pour vous d’écrire en Italien ? Est-ce que cela offre plus de possibilités, dans le chant par exemple ?
Nous nous exprimons en italien simplement parce que c'est la langue que nous connaissons le mieux (je ne veux pas écrire des chansons avec un dictionnaire sous les yeux). Je crois aussi que chanter en italien est plus difficile qu'en anglais. L'italien sonne moins que l'anglais, avec tout le respect que j'ai pour les groupes français, italiens ou bien allemands qui chantent en anglais. Je crois qu'il faudrait avoir une parfaite maîtrise de la langue pour pouvoir le faire. Au départ, lorsque nous étions gamins, nous chantions en anglais seulement pour essayer de ressembler à nos idoles, sans avoir beaucoup à communiquer. Nous étions plus satisfaits comme ça. Imaginons William Burroughs écrivant en Japonais, Dostoïevski en Français ou bien encore Baudelaire en albanais... Nous faisons juste de petites références à d'autres langues pour créer l'atmosphère adéquate mais en aucun cas pour faire croire que nous ne sommes pas Italiens. L'italien est notre langue maternelle. Si un jour nous devons faire un disque avec des chansons en anglais seulement pour une question de "marketing" (comme j'imagine que cela fût le cas pour les Einsturzende Neubauten et d'autres) alors c'est un autre discours, mais tant que nous ne changerons pas d'idées sur ce sujet, ce sera comme cela pour nous. Tant que nôtre "marché" sera limité à l'Italie, nous communiquerons avec notre public dans notre propre langue. Si la tranche de nos auditeurs s'élargit par la suite, nous chercherons alors à communiquer avec le plus grand nombre de personnes. Pourquoi pas en faisant des versions dans d'autres langues ou bien un album entier dans une autre langue.
Amaury Cambuzat produit votre album. Comment l’avez vous rencontré ? Que pensez-vous qu’il est apporté à votre musique, à votre son ?
Je te promets que je suis fan d'Ulan Bator depuis le premier concert que j ai vu d’eux à Rome en première partie d'un célèbre groupe italien en 1998. De là, j ai acheté tous les disques et suis allé les voir où je pouvais jusqu'au jour (en avril 2002) où il nous est arrivé de jouer avec eux dans notre ville Terni, au Nexus, un club que moi et mon frère avons successivement gérer (de septembre 2003 à mai 2004). L année suivante, nous avons en effet organisé un autre concert d'Ulan Bator et nous avons parlé avec Amaury de notre intention de faire ce disque avec lui. Apres quelques jours, je lui ai envoyé une cassette vraiment mal enregistrée avec les choses qui devaient figurer sur le disque et lui est resté très enthousiaste par rapport à nos idées. Nous nous sommes mis d’accord sur tout et sommes allés en studio pour enregistrer. Au début (je crois que c’est normal) il y a des choses que j’aurais voulu faire différemment, surtout dans le mix, nous en avons aussi longuement parlé. Ensuite le travail fini, (mastering compris) en écoutant le disque plusieurs fois il m’a semblé être toujours plus parfait. Je pense qu’Amaury a fait un excellent travail. Je crois qu’il n y avait personne d’autre plus apte que lui pour faire l’intermédiaire entre nous et notre musique. J'étais certain qu’il trouverait notre son.
Avez-vous trouvé un label ?
Nous avons longtemps attendu des nouvelles d’un label
du nord Italie qui semblait vouloir sortir le disque. Entre temps nous avons
suscité l’intérêt d’autres personnes, mais les propositions qui nous ont été
faites étaient peu alléchantes. Maintenant nous sommes en contact avec un
label indépendant de l'Italie du sud, Seahorse Records. Nous devrions savoir
quelque chose de définitif dans quelques semaines. Si ça ne va pas avec ce
label, nous sortirons notre disque nous même et nous trouverons ensuite une
distribution. De toute façon le disque sortira pour janvier 2005.
mp3 en écoute sur www.tvlumiere.it